Cette année encore le 17 mai, la Saint- Spass (Saint Sauveur) est l’occasion pour beaucoup de gens de se rassembler sur la vaste prairie près du puits dit de Spass. C’est un endroit emblématique pour les habitants de la ville de Zlatitza et de la région, car depuis toujours on s’y rendait pour rendre hommage à la nature toute puissante et lui demander la santé. La colline de Spass qui abrite le puits éponyme est au pied de la montagne et l’on y accède en suivant le chemin asphalté et balisé. En hommage à Saint Spass les fidèles ont bâti une modeste chapelle de pierre que les gens du coin entretiennent grâce à leurs dons depuis toujours. Aujourd’hui, fête de l’Ascension de Jésus-Christ, des centaines de fidèles se donneront rendez-vous au puits pour y puiser l’eau aux vertus miraculeuses et guérisseuses, allumeront une bougie pour demander la santé, à l’exemple de nos anciens. Pourtant peu nombreux sont ceux qui savent que cet endroit était sacré, c’était un sanctuaire vénéré par les gens avant J.-C.
L’eau cristalline du puits jaillit du plus profond des entrailles de la terre et sa température demeure égale hiver comme été. Depuis l’antiquité, les gens venaient à cet endroit et témoignaient leur respect en laissant des menues monnaies. Peut-être étaient- ils guidés par le même espoir, qui nous fait jeter des monnaies dans les vasques des fontaines et des sources afin de voir exaucés nos souhaits et nos désirs. Plus rien ne reste de ces gens, rien que ces monnaies en souvenir. « C’est en creusant, il y a des années pour capter l’eau et bâtir une fontaine, que nous sommes tombés sur près de 80 pièces de ces monnaies dont la plus ancienne de l’époque des Thraces » - dit Boris Guétchev de Zlatitza, qui a aménagé l’endroit à la force de ses bras, a créé un modeste musée pour accueillir les trouvailles pour les sauvegarder au nom des générations à venir. Et d’ajouter:
« D’où lui vent ce nom de puits de Spass ? Pendant plus de 30 ans les défilés très étroits et les sommets qui se perdent dans les nuages ont servi de remparts à nos ancêtres, les ont aidés à tenir bon aux assauts des troupes ottomanes. C’est pour cette raison que Zlatitza est une des dernières villes à tomber sous la domination des Ottomans. Dans notre région on dénombre de nombreux sites fortifiés, mais après la chute du plus important d’entre eux, au lieu-dit le bassin de Jéko, les femmes et les enfants qui ont réussi à s’enfuir se sont repliés dans un de ces endroits fortifiés au-dessus de la ville de Zlatitza, au mont Golech. Les deux chefs de guerre Spass et Salko se mettent d’accord sur la stratégie à suivre. Salko se charge de la protection des femmes et des enfants et pendant ce temps Spass, à la tête de deux compagnies de braves croise le fer avec les assaillants. Le combat s’engage à l’endroit qui se trouve juste en face du puits de Spass et les courageux bulgares font battre en retraite l’ennemi. Malheureusement, le voévode Spass est gravement blessé. Ses compagnons le transportent jusqu’au puits et lavent ses blessures avec son eau pure. Spass guérit rapidement et ses hommes, en hommage à leur chef, donnent son nom au puits. L’explication de la guérison miraculeuse de Spass s’est avérée toute simple et elle m’a été donnée par des ingénieurs chimistes qui ont fait analyser l’eau du puits. L’eau du puits est une eau minérale, qui ne contient aucune trace de microorganismes, elle a agi comme un antiseptique c’est pour cela que les blessures du voévode Spass ne se sont pas infectées. »
Les plus anciens manuscrits qui mentionnent le puits datent du XVe s. Ils sont l’œuvre des deux frères Douraliev, dont les proches tenaient une espèce de chronique de l’histoire familiale sur une période de plus de cinq siècles. Le dernier ajout à cette chronique date de 1943. Et encore un peu d’histoire au sujet du puits de Spass:
« La plus ancienne pièce de monnaie découverte au fond du puits est une monnaie d’argent de l’époque thrace – dit Boris Guétchev. – Sur son avers on voit Dionysos, le dieu grec du vin, de la vigne et du délire mystique. Sur le revers est représenté Héraclès, tenant d’une main la massue, de l’autre la peau d’un lion, allusion à ses douze exploits. Une autre monnaie, datant, elle, du I er s. av. n. è., provient de l’île de Thassos. De la même époque nous avons également un denier, monnaie romaine d’argent, ainsi que quelques pièces de monnaie romaines et byzantines d’époques plus proches de nous. Nous avons trouvé une monnaie du Second Royaume bulgare, du règne du tsar Ivan-Assen II ainsi que des monnaies du Premier Royaume bulgare qui appartiennent au Musée National d’Histoire. Parmi les trouvailles il y a une croix ancienne en nacre à l’effigie de Jésus-Christ, divers ornements et des artefacts celtes. Aujourd’hui encore les gens continuent à jeter des menues monnaies dans le puits de Spass, qui, probablement seront découvertes à leur tour, car toutes les trouvailles que nous avons mises au jour à cet endroit témoignent de son caractère sacré depuis l’antiquité. »
Version française : Roumiana Markova
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