Vassil Levski est un révolutionnaire et héros national bulgare qui a combattu pour la libération de la Bulgarie de l’Empire ottoman. Il est l’idéologue, fondateur et organisateur de l’Organisation révolutionnaire interne et les Bulgares reconnaissants l’appellent l’Apôtre de la Liberté. Il sillonne le pays pendant 4 ans et fonde des comités révolutionnaires locaux. Capturé par les forces ottomanes en 1872, il est pendu le 18 février 1873. Les ressources qu’il met en place servent à l’organisation de l’Insurrection d’Avril 1876, considérée comme la culmination du mouvement de libération nationale. Les événements provoqués par cette insurrection, en premier lieu la Guerre de Libération russo-turque de 1877-1878, permettent à la Bulgarie de renaître après cinq siècles de joug ottoman.

Le carnet personnel de Vassil Levski nous montre l’Apôtre de la Liberté non seulement comme révolutionnaire, comme organisateur de comités, comme conspirateur qui forme un réseau illégal pour mettre fin à la domination étrangère, mais aussi comme être humain, nous dit le professeur Plamen Mitev de l’Université de Sofia "Saint Clément d’Ohrid" :

A la lecture de ce carnet on découvre des informations sur le quotidien de l’Apôtre, comment il vivait, de quoi il se nourrissait, comment il gardait le contact avec des gens proches ou inconnus qui l’aident dans son œuvre. Pour moi ce carnet dévoile de multiples visages de l’Apôtre : le révolutionnaire, l’homme politique, l’idéologue, mais surtout l’être humain qui peut se permettre de relater les émotions vécues. Par exemple à la Saint-Vassil 1872 des enfants vont lui présenter leurs vœux. Il n’a rien à leur donner à part quelques friandises et il les note scrupuleusement comme dépense dans son carnet. Ou bien il mentionne une veuve chez qui il vit plusieurs semaines et note la somme modique qu’il lui a donnée pour qu’elle puisse nourrir ses enfants. Pour moi ce sont des accents très importants qu’on aurait du mal à trouver dans sa correspondance, dans ses documents politiques ou dans la presse politique des émigrants qui parle du mouvement de libération. Ce carnet nous révèle le visage humain de l’Apôtre.

Il faut préciser que les informations dans ce carnet ne sont pas rédigées de façon suivie. Il faut retracer les informations sur différentes pages et les combiner à d’autres documents qui donnent le contexte dans lequel il a noté un fait donné. Il manque des pages du carnet, d’autres sont blanches. Comment devons-nous par exemple comprendre cette adresse dans le carnet : « Peuple ???? »

Le professeur Mitev explique qu’il y a des années le professeur Doyno Doynov relie cette adresse aux mots latins de « chloroforme » et "ammoniaque" sur la page suivante. Après le hold-up du convoi postal turc dans le col d’Arabakonak les attaquants sont arrêtés. L’un d’eux, l’assistant de Levski Dimitar Obchti, révèle aux Turcs les noms de tous les membres de comités révolutionnaires qu’il connaît.

Chacun peut lire et décoder à sa manière ces points d’interrogation après « Peuple ». Pour moi ils expriment la déception éprouvée par Vassil Levski qui lui fera reconnaître devant les enquêteurs qui l’interrogent à Sofia que « le Bulgare attend qu’on lui serve la liberté sur un plateau ». Parce qu’il fournit des efforts colossaux pendant deux ans et demi pour mettre sur pied une puissante organisation de comités qui puisse préparer une insurrection nationale. Et soudain le hold-up d’Arabakonak le 22 septembre 1872 porte un coup si fort à son espoir, ses rêves d’une insurrection générale dans un avenir très proche. Donc chaque génération cherchera sans doute à s’expliquer ces points d’interrogation, mais pour moi ils sont l’expression de cette déception que l’Apôtre éprouve pendant les derniers mois de sa vie.

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Photos: nationallibrary.bg, museumvt.com, BTA, Ivo Ivanov