La santé publique en Bulgarie traverse une grave crise. On peut juger de son envergure sur les propos du ministre de la Santé publique Kiril Ananiev qui a annoncé que début 2019 sera lancé un nouveau modèle d’encadrement et de gestion des structures médicales en remplacement de l’actuel système qui a prouvé et qui prouve chaque jour sa profonde inefficacité.
En effet, comment pourrait-on dire qu’un système fonctionne comme il faut du moment où les 345 hôpitaux en Bulgarie ont des dettes de plus de 250 millions euros et la caisse nationale d’assurance maladie a des dettes de l’ordre de 140 millions euros envers des caisses maladies et des hôpitaux dans des pays de l’UE dont près de 70 millions en souffrance!? Le système est au bord de l’explosion et cela menace la vie et la santé de tous les 7 millions de Bulgares. Ne parlons pas du million de citoyens bulgares qui n’ont pas d’assurance maladie mais qui en cas de besoin n’hésitent pas à aller voir le docteur ou entrer à l’hôpital car ceux-ci n’ont pas le droit de leur refuser des traitements qui malgré tout ne seront pas remboursés par la caisse nationale. Et voilà qu’on en arrive au problème de la gestion du système de la santé publique.
Ce système n’est pas uniquement un de plus difficiles à encadrer, mais il est également un des plus importants, au moins autant que l’éducation et la Sécu. Il n’y a en effet pas de Bulgare qui n’ait pas été obligé de se rendre chez le docteur ou d’aller à l’hôpital ou dans une clinique pour des examens ou des interventions médicales.
La santé publique dans le pays dispose cette année d’un budget de plus de 2.5 milliards euros ce qui fait 200 millions de plus que l’année précédente. Si on ajoute à ces sommes les paiements directs des patients pour des médicaments ou pour des soins hospitaliers supplémentaires, on en arrive à l’impressionnante pour la Bulgarie bagatelle de 4 milliards euros. Ce n’est pas par hasard si nous venons de mentionner les paiements directs des patients car malgré l’assurance maladie ils doivent dans tous les cas payer en liquide de leurs propres poches. Pour les médicaments la caisse maladie ne rembourse en règle générale que 50% au plus de leur prix. A l’hôpital, où les soins devraient en théorie être remboursés à 100% par la caisse maladie, les patients doivent presque toujours bourse délier pour obtenir plus que le strict minimum de soins médicaux. Mais en réalité personne n’est satisfait. Les patients assurés sont mécontents d’être obligés de payer du cash, les hôpitaux se plaignent de la caisse maladie qui ne leur rembourse pas la totalité des frais pour les traitements médicaux car appliquant des tarifs en vigueur pour certains il y a déjà environ 10 ans qui ne tiennent plus compte des coûts réels des prestations médicales. C’est justement pour cette raison qu’il n’y a pas d’hôpital d’Etat ou municipal qui n’ait pas de dettes. A une petite mais très éloquente exception – celle de l’hôpital gouvernemental qui jouit d’un budget et de rallonges plus que confortables grâce à la générosité des gouvernants.
Finalement, les hôpitaux et la caisse nationale d’assurance maladie croulent sous les dettes qu’ils ne sont pas en mesure de rembourser. Ils fonctionnent à crédits et les fournisseurs de médicaments, d’appareils et de consommables médicaux sont les grandes victimes de cette pénible situation financière car si jamais payés, ce ne sera qu’après une longue attente de plusieurs mois, voire des années.
L’exemple des hôpitaux privés qui prolifèrent suggère des solutions possibles à la crise financière. En effet, les établissements médicaux privés travaillent également avec la caisse nationale d’assurance maladie qui leur rembourse aussi des frais calculés sur des prix d’il y a dix ans et qui ne couvrent pas les frais réels des traitements. Il n’y a pourtant pas des informations sur des hôpitaux privés en difficultés financières. Ces établissements sont en plus de cela bien plus modernes que les hôpitaux d’Etat, ils disposent d’équipements et appareils médicaux dernier cri, ils ont embauché les meilleurs docteurs en leur offrant des salaires bien plus élevés. Parlant salaires, on devrait souligner que selon les directeurs de la plupart des hôpitaux d’Etat ou municipaux les sommes remboursées par la caisse nationale ne suffisent que pour payer les salaires du personnel. Or, ces salaires sont beaucoup moins élevés que ceux dans le secteur privé ce qui provoque la fuite des meilleurs médecins en direction du privé. Ceci pour sa part oblige les hôpitaux d’Etat et municipaux à fermer des cliniques ou à abandonner des parcours de soins. Au final cela réduit les finances disponibles et on observe un cercle vicieux – pas assez d’argent car la liste des soins prodigués est abrégée, les soins sont réduits car il n’y a pas d’argent.
Il semble que le dernier ministre de la Santé publique Kiril Ananiev, ex-vice-ministre des Finances et expert en la matière, a raison en disant que tout le système de la santé publique doit être réformé. En promettant de prendre les mesures pressantes et urgentes dont tout le monde a besoin, il n’entre pas pour le moment dans les détails. Mais à en juger de son parcours professionnel d’argentier et de manager on pourrait conclure que ces réformes concerneront justement la gestion des finances des établissements médicaux et leur management.
Pour résumer, on pourrait dire que dans ce contexte les Bulgares sont une des nations européennes les plus malades et avec une espérance de vie des plus courtes. Les quelque 30 mille docteurs bulgares sont considérés comme de bons professionnels et des gens d’honneur et de devoir. Ce n’est pas par hasard qu’il suffit pour un médecin bulgare d’être intéressé pour trouver un job en Europe Occidentale. La fuite de personnel médical du pays devient de plus en plus grave et dans plusieurs hôpitaux on a dû fermer des cliniques et abandonner des traitements spécialisés par manque de personnel qualifié. En ce qui concerne les établissements médicaux qui malgré tout résistent à la crise, ils attendent avec impatience les réformes du 16e pour les 18 ans de ce siècle ministre de la Santé publique. Si auparavant il n’est pas congédié en toute vitesse comme la plupart de ses prédécesseurs.
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