Plus de 20 femmes ont été tuées par leur compagnon ou un autre homme proche en Bulgarie l’année dernière et les cas de violences familiales en 2023 sont près de 1400. Selon le site "Spasséna" (Sauvée) au moins 10 femmes ont perdu la vie depuis le début de 2024 dans des violences intrafamiliales. Ces dernières années le nombre des victimes de violences intrafamiliales a presque quadruplé.
Une des photographes bulgares les plus connues dans le monde, Elina Kéchichéva, est revenue de France où elle vit et travaille depuis 25 ans pour effectuer le contact entre les chiffres de la statistique, les visages des victimes et la société.
La galerie "ONE" à Sofia montre jusqu’au 14 juillet l’exposition "Contact" avec des photos d’Elina Kéchichéva et une installation vidéo de l’artiste Victor Popov qui vit depuis 15 ans à Pékin. Cette exposition fait partie de l’initiative "L’art éveille" de la fondation "Emprove".
"Nous essayons d’éveiller notre société sur la prévention des violences faites aux femmes et nous le faisons à travers l’art pour toucher les couches profondes du subconscient", dit la fondatrice d’ "Emprove" Olga Minéva. La fondation est créée par des femmes ayant surmonté des violences émotionnelles ou physiques en soutien des femmes qui souhaitent elles aussi opérer ce changement vers une vie meilleure.
Ces femmes survivantes, comme elles se qualifient elles-mêmes, rejettent le dogme que la violence familiale crée des victimes. Au contraire, la femme survivante est courageuse, fière, combative et mérite un bel avenir. C’est ce qu’indique l’exposition à laquelle participent 20 femmes bulgares, photographiées par Elina Kéchichéva dans la forêt de la montagne Vitocha près de Sofia, vêtues de leur liberté et leur force et se tenant par la main. C’est le message principal : nous dépendons de la force des autres et cette force peut être destructrice, mais aussi créatrice.
Le changement naît du contact avec l’univers d’autrui, dit Elina Kéchichéva qui a travaillé pour certains des plus grands magazines de mode et son portfolio comprend des portraits d’acteurs, musiciens et réalisateurs célèbres tels Amy Winehouse, Nick Cave, Wim Wenders, Diane Kruger, Andie MacDowell, Nastassja Kinski et Pharrell Williams.
J’ai rencontré ces femmes un jour où elles avaient une classe de poésie et chacune avait écrit un poème. Ce que j’ai entendu était grave, ce qui impressionne déjà, mais la passion, l’émotion derrière les mots étaient incroyables et j’ai pleuré en les écoutant. Et c’est là que le lien s’est formé.
Une des femmes de l’exposition est notre collègue du programme de la RNB « Radio Sofia » Maria Iliéva :
Beaucoup de gens se demanderont comment cette exposition fera avancer les choses. Nous nous présentons avec nos visages, nos corps, notre émotion. Je veux qu’on se dise en la voyant « Je pourrais être une de ces femmes ». Et moi je voudrais dire : « Regarde-nous ! Vois comme nous sommes belles, comme nous sommes libres ! Tu peux être ici parmi nous ! »
Une connexion aux autres est la chose dont les victimes ont le plus besoin et l’exposition « Contact » le démontre, dit une autre femme survivante, Moriel Gueorguiéva :
Que la victime soit un homme ou une femme, la violence sépare la personne d’elle-même, de ce qu’elle porte comme force et comme potentiel. De plus elle la sépare des autres. On sort en public, on met son masque, mais on se sent séparé comme par une vitre, comme si on ne méritait pas d’être parmi les autres. Et cette exposition a brisé ces chaînes, elle a montré cette connexion à l’autre et qu’on est des participants à part entière à la société. Tu as combattu, tu as surmonté l’épreuve et tu es avec des gens qui te comprennent.
En fait, l’idée de l’exposition « Contact » n’est pas de montrer ce qui s’est passé avant, mais ce qui pourrait être après, explique Elina Kéchichéva. « Ce que beaucoup ne voient pas dans les sombres tunnels des jours où elles subissent des moments très durs, ce qu’elles ne peuvent même pas imaginer est que l’avenir peut être bien meilleur », dit la photographe. C’est une chose qui a été comprise dès les premiers jours de l’exposition et cela a été d’une grande aide aux personnes à qui ce message est adressé, dit la directrice de la fondation « Emprove » Nora Hristova :
C’est avec une grande joie que je peux annoncer que depuis l’inauguration plusieurs femmes sont entrées en contact avec nous sur place et sur notre page Facebook.
Pendant l’exposition est aussi réalisée une « Bibliothèque vivante », durant laquelle les visiteurs peuvent converser avec des femmes survivantes et écouter des extraits d’histoires personnelles lues par elles.
Photos: BTA, Facebook/Emprove, Annie Pétrova, Antonio Georgiev-Hadjihristov
Édition : Vesséla Krastéva, sur des interviews de Vélin Manov de la chaîne culture de la RNB (Radio « Christo Botev ») et Hristina Ivanova de Radio Sofia
Version française : Christo Popov
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