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Par son art Phénix Varbanov veut se guérir et guérir le monde du lourd fardeau des guerres

Photo: Diana Tsankova

Le peintre cosmopolite Phénix Varbanov est venu de Paris à Sofia pour y présenter son exposition "Courant d’arrachement" qui continue jusqu'au 31 mai. Son œuvre majeure est "Une goutte d’eau dans l’océan", mais le but de toute l’exposition est de donner aux visiteurs la sensation de l’infini.

Que contient sa propre goutte d’eau ?

C’est une toute petite goutte dans l’histoire de l’art et de la vie. J’espère qu’elle fait des vaguelettes et a un effet émotionnel sur les gens, répond Phénix Varbanov. Le spirituel est primordial pour cette petite goutte, comme on dit "goutte à goutte un lac se forme", espérons qu’elle aura sa contribution dans la lutte pour la paix dans le monde.

En raison de l’influence chinoise venue dans sa vie par sa mère Song Huai-Kuei, une descendante de la dynastie Ming, il choisit le papier et l’encre de Chine, créant des mondes abstraits en noir et blanc qui enflamment l’imagination du spectateur. Mais de plus en plus souvent, en ce monde de contemplation, de pureté et de sérénité surgit le dramatique dans les tons rouges.


Le rouge symbolise le sang qui coule dans nos veines ou qui est répandu, mais aussi l’énergie pure, le volcan en éruption, les coulées de lave qui nous relient à la nature, explique Phénix Varbanov sur Radio Bulgarie. L’art nous permet de nous plonger dans un état contemplatif, méditatif, et je voudrais qu'il serve à me guérir moi-même et guérir le monde du lourd fardeau des guerres et des chocs entre différentes civilisations. Je pense qu’il est un moyen pour les gens de se rapprocher les uns des autres au lieu de vivre dans des conflits.

Phénix Varbanov parvient à harmoniser des influences de cultures et civilisations diverses et réalise que l’esprit, le spirituel prime sur tout. La Chine lui donne la technique pour ses œuvres, avec le papier confectionné à l’ancienne et l’encre de Chine. Il y ajoute des éléments de la culture occidentale qu’il a adoptée dès l’adolescence à Paris. "Je suis inspiré par les artistes contemporains – les abstractionnistes, les constructivistes, les expressionnistes", dit-il.


Et qu’en est-il des éléments bulgares ? "Le sang bulgare est puissant en moi", répond-il spontanément.

Les éléments bulgares, c’est une dramaturgie, une émotion balkanique, précise Phénix Varbanov. J’ai grandi en Bulgarie et je suis étroitement lié à l’approche émotionnelle. N’oublions pas que mon père est Bulgare et il m’a transmis sa vision du monde bien bulgare avec sa profondeur, sa beauté et sa dramaturgie.

L’histoire de ses parents – le maître du textile Marin Varbanov qui a partagé sa vie entre la Bulgarie, la Chine et la France, et l’aristocrate chinoise de la dynastie Ming Song Huai-Kuei, artiste peintre, modèle et actrice, a marqué sa destinée. Après son enfance insouciante dans une maison bohème de Sofia, à 14 ans il part pour Paris où son père a été invité par le ministre de la culture pour créer un atelier de tapisseries modernes. C’est là que Phénix Varbanov apprend le français et se diplôme du Lycée Pilote de Sèvres et de l’École nationale supérieure des Beaux-arts. Mais remontons un instant encore plus loin dans le passé, au début de l’histoire du garçon bulgare d’Oryahovo qui va étudier à Pékin où il rencontre une étudiante chinoise en Beaux-arts.


Cette histoire d’amour fantastique a toujours suscité un grand intérêt, raconte Phénix Varbanov. Dans les années 50 mon père va étudier les arts et plus précisément les arts textiles à Pékin où il fait la connaissance de ma mère. Lorsqu’ils décident de se marier, ils ont dû écrire des lettres au premier ministre Zhou Enlai, car un tel mariage entre une Chinoise et un étranger était sans précédent. Le premier ministre chinois donne son accord en raison de l’amitié entre les deux pays communistes et mes parents se marient à Pékin en 1954. Puis ils retournent en Bulgarie où je suis né.

A Paris Marin Varbanov rencontre Pierre Cardin qui achète certaines de ses tapisseries pour son centre des arts sur la 5e Avenue à Manhattan. Le grand couturier est également charmé par Song Huai-Kuei qui réussit à organiser dans les années 80 son premier défilé de mode en Chine, et dans la Cité interdite de Pékin qui plus est. Pendant ce temps Phénix Varbanov termine ses études à Paris et suit une spécialisation à l’Académie des arts de Chine à Hangzhou. En 1992 il organise sa première exposition à la galerie de l’Académie des Beaux-arts de Pékin et expose par la suite ses œuvres dans plusieurs autres villes, notamment à Paris, New York et Luxembourg.

Dans ses tableaux Phénix Varbanov ne présente pas d’images facilement reconnaissables, mais laisse le spectateur faire sa propre interprétation. Dans son processus artistique il utilise souvent ses deux mains à la recherche de l’harmonie et l’équilibre.


Souvent la main gauche est plus faible et sensible et la main droite est plus sûre, note l’artiste peintre. Elles sont deux forces, deux énergies, comme le yin et le yang qui s’opposent, se mélangent ou se complètent.

Les souvenirs de la Bulgarie, le contact avec elle à travers l’art et l'excellent bulgare que parle Phénix Varbanov sont autant de signes de ce que représente pour lui ce patrimoine spirituel :

C’est un patrimoine d’une grande richesse. Il y a en Bulgarie de très bons peintres, écrivains, musiciens qui me donnent de l'énergie et de la force et c’est pourquoi je reviens ici tous les ans. La culture bulgare me donne vraiment beaucoup et j’ai besoin de ce regard touchant et motivant sur le monde. Il existe en Bulgarie une foi en quelque chose de puissant et de spirituel qui recharge mes batteries et je retourne toujours à Paris avec plein de nouvelles idées, de nouvelles visions et un nouveau regard porté sur le monde.


Photos: Diana Tsankova, RNB - Annie Pétrova

Version française : Christo Popov




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