On a beaucoup écrit sur Vassil Levski, le héros national de Bulgarie. Dans les innombrables ouvrages qui lui sont dédiés, on trouve aussi de l’information sur lui en tant que chanteur. "Plus qu’un simple plaisir de la vie, le chant était pour Levski une façon de s’exprimer de manière immédiate", écrit l’auteure britannique Mercia MacDermott dans son livre "L’Apôtre de la Liberté".
On évoque souvent le patrimoine documentaire de Levski, son activité révolutionnaire et ses idées mais moins fréquemment son univers spirituel. "On a pas mal de témoignages sur Levski au-delà de son activité de révolutionnaire, quand il restait seul avec lui-même", indique Daniel Spassov, chanteur de musique traditionnelle, animateur de télévision et producteur du film "Les Chansons de Levski" réalisé par la Télévision publique bulgare à l’occasion des 180ans de sa naissance.
"On apprend quelles chansons aimait Levski par son carnet personnel, on y trouve par exemple la ballade "Je ne pense qu’à toi, maman", une chanson très intime, une confession dédiée à sa mère. On dit que c’est lui qui l’a écrite. Le poème "En guise d’adieu" de Hristo Botev, plus tard assorti d’une mélodie, a également sa place dans son carnet. Les paroles de deux chants orthodoxes, "Dostoino est", le "Tropaire de Cyrille et Méthode", y figurent aussi. On trouve également plein de témoignages sur la belle voix de Levski qui chantait devant le poète Hristo Botev et l’homme de lettres et instituteur Kiro Toulechkov. Les chansons l’accompagnaient immanquablement. Cela est d’ailleurs propre à la Renaissance bulgare en général. "
Il y a beaucoup d’années que l’illustre folkloriste bulgare Nikolay Kaufman s’était lancé dans l’étude des chansons de Levski en y appliquant une approche de travail sur le terrain. Il a enregistré beaucoup de souvenirs et de mélodies. Ainsi, même s’il ne reste que les paroles et pas de notation, on a plusieurs versions des chansons que Levski aimait interpréter, poursuit Daniel Spassov.
L’histoire de "la dernière chanson de Levski" découverte et restaurée il y a six ans relève presque d’une légende. Spassov nous en dit davantage :
"Quand nous étions en train de tourner le film musical "Les chansons de Levski", notre collègue de la Télévision publique Vesséla Smilets travaillait sur un documentaire sur la famille de Vassil Levski. En recherchant des documents à la Bibliothèque nationale, la RNB et d’autres archives, elle est tombée sur le livre "Sofia, ma ville natale" de Rayna Katsarova qui a réalisé des enregistrements fascinants sur le terrain. Katsarova avait rencontré une femme âgée, la grand-mère Petkana Hachova du village de Lozen, situé dans la région de Sofia. Elle lui a raconté une histoire étonnante, très bizarre et inconnue jusqu’alors sur l’exécution de Levski où elle aurait été présente. Elle était la domestique du bey (le vassal du sultan) de Sofia. Quand il est rentré un soir, il lui a signalé qu’un ennemi de l’empire serait pendu le lendemain. Elle devait amener ses deux enfants assister à l’exécution. La grand-mère Petkana a dit qu’elle y était et qu’après s’être confessé à un prêtre bulgare, l’Apôtre de la Liberté s’est mis à chanter une belle vieille chanson en turc :
Ne chante pas, ne chante pas, rossignol,
J’ai le temps, je ne suis pas pressé.
Comprenne qui pourra…
Je n’ai ni mère, ni père,
J’ai le temps, je ne suis pas pressé.
C’est une très belle histoire, qu’il s’agisse d’une légende ou pas. Elle confère une autre atmosphère, un autre ressenti et fait partie de l’univers spirituel et musical de Levski. Nous l’avons ressuscitée dans notre récit cinématographique et musical. "
Faire l’arrangement de la dernière chanson de Levski était un vrai défi pour le chef de chœur Milen Ivanov qui l’a interprétée aux côtés de Daniel Spassov et Violéta Marinova, soliste du "Mystère des voix bulgares" :
"Nous n’avions qu’une version rudimentaire de la structure musicale de la chanson. Elle n’est pas compliquée. J’aime bien la douce harmonie que revêt la chanson sans trop d’ornements, sans pomposité inutile. En faisant cet arrangement pour trois voix, la mienne et celles de Daniel Spassov et de Violéta Marinova, mon objectif était de mettre l’accent sur le sens des mots, sur le message. Nous avons pu entrer en symbiose avec nos amis de l’Orchestre de musique folklorique de la RNB, le joueur de kaval Nédyalko Nedyalkov et le guitariste Nikolay Antov. C’est un simple mais dans le même temps éloquent exemple du pouvoir suggestif de la chanson qui s’empare de l’auditeur."
Les chansons préférées de Levski dans une autre interprétation, celle du quatuor vocal "Svetoglas", fondé par Daniel Spassov et Milen Ivanov, peuvent être entendues dans le cadre de l’exposition multimédia "La Confession de Levski" dans la salle "Carré 500" de la Galerie nationale des beaux-arts à Sofia, conçue par l’écrivain Ivo Milev – à voir jusqu’à la fin de l’année 2023.
Version française : Maria Stoéva
Photos: Télévision publique bulgare
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