"J’ai l’impression d’assister à un concours grotesque auquel se livre l’élite politique bulgare sur le thème : qui sera le plus grand euro-atlantiste" : c’est ainsi que le politologue de l’Université d’Ottawa le professeur Ivaylo Grouev résume le climat politique en Bulgarie. Dans un entretien à Radio Bulgarie il note encore une tendance négative depuis sa dernière interview qu'il nous a accordée il y a un an :

"Les dernières élections ont clairement montré que nous avons un problème avec la démocratie en Bulgarie. Si seulement 39% des électeurs du pays décident d’exercer leur droit de vote et près de 61% renoncent à cet acte politique, cela n’est pas bon signe pour l’état de santé de la démocratie en Bulgarie. Il me semble que le contrat social est gravement érodé."

Selon le professeur Grouev beaucoup de politiques bulgares ne comprennent pas ce que représente le conflit en Ukraine.

"J’ai eu le plaisir de rencontrer récemment un des géopoliticiens les plus influents, et pas seulement aux États-Unis, le professeur John Mearsheimer. Je vous cite ce qu’il a dit à propos du conflit en Ukraine : « La guerre en Ukraine est le conflit international le plus dangereux depuis la crise des missiles de Cuba en 1962. L’Occident, surtout l’Amérique, portent la responsabilité de cette crise qui a débuté en février 2014. Elle est à présent devenue une guerre qui menace non seulement d’anéantir l’Ukraine, mais a le potentiel de dégénérer en guerre nucléaire entre la Russie et l’OTAN. » Cette opinion est partagée par Henry Kissinger. Je pense que si des experts d’un tel niveau font ces déclarations, nous devons faire plus attention à leurs avertissements."

Le professeur Ivaylo Grouev vit au Canada depuis plus de trois décennies, mais suit de près la situation politique en Bulgarie. Son analyse des messages politiques de la première journée de travail du nouveau parlement l’amène à la conclusion que les partis politiques ont annoncé des lignes de partage claires.

"La principale ligne de partage dans ce parlement n’est pas comment venir en aide aux PME bulgares ou comment les gens pourront payer leurs factures. La ligne de partage majeure est la guerre en Ukraine, en dépit de l’immense pression exercée par les États-Unis, car en tant que pays du flanc Est de l’OTAN nous devons avoir un gouvernement stable et prévisible. Je ne voudrais pas faire de pronostic sur la durée de vie de la 48^e législature de l’Assemblée nationale, parce que nous nous trouvons dans une situation géopolitique extrêmement tendue."

Dans cette situation compliquée le professeur Grouev rappelle la force de la société civile.

"Notre histoire nous donne plein d’exemples montrant qu’il y a deux façons de changer le statu quo politique. Le premier facteur est extérieur, c’est la situation géopolitique constamment changeante. Le second est une impulsion venant de l’intérieur, de la société civile, une tentative de changer la situation politique, sociale et économique du pays. D’autant plus que nous sommes plongés dans une grave crise non seulement économique et géopolitique, mais aussi démographique. Nous sommes la population qui connaît la baisse la plus rapide, pas dans les Balkans, pas en Europe, mais dans le monde. Sur 193 pays c’est notre population qui fond le plus vite. Si nous ne réagissons pas, nous allons purement et simplement disparaître."

Version française : Christo Popov