Elle a 23 ans, diplômée du Lycée national d’arts appliqués « Saint Luc » et elle habite à Sofia. À ses dires, toute sa vie a été dédiée aux arts visuels. À présent, c’est l’art qui lui confère les moyens d’aborder des sujets souvent relégués aux marges de ce qui préoccupe la société.
Nous vous présentons Elena Nazarova. Sa quatrième exposition individuelle intitulée TOWNSMEN est à voir à la galerie "+359" dans l’ancien Château d’eau situé dans un des quartiers résidentiels de Sofia. Composée de sculptures, de tableaux et des esquisses qui les ont précédés, ainsi que de clichés et d’une vidéo documentaire, cette exposition fait partie d’un projet conçu à Paris où Elena a vécu pendant un an.
« L’exposition traite de l’injustice sociale. C’est un phénomène qui m’a beaucoup touchée lors de mon séjour à Paris. Il s’agit notamment des SDF dans les rues de la ville le soir. J’explore ce thème par les moyens de la culture populaire et du pop art. »
Elena arrive à Paris pour participer au "Laboratoire de la création", un établissement qui offre des résidences pour des artistes. Elle y a été invitée de façon inattendue par le directeur du laboratoire Julien de Casabianca, suite à leur coopération dans le cadre d’un projet de l’Institut français il y a quelques années à Sofia. C’était son premier séjour en France.
« Je n’avais aucune attente, ce qui à mon sens est la meilleure façon d'appréhender un endroit que l’on ne connaît pas. Ma première impression était d’une métropole typique pour l’Europe occidentale. Paris est une ville "glamour", objet de désirs à force d’être romantisée depuis des siècles. Ce qui m’a interpelée était le contraste avec la réalité, la discordance entre cette idée de la ville renforcée par les foules de touristes qui s’y rendent chaque jour et la réalité du monde occidental où beaucoup de monde vit au-dessous du seuil de pauvreté. »
Elena habitait près de la station « Châtelet - Les Halles », non loin du point zéro de Paris. C’est un endroit qui attire les touristes pendant la journée, tout en étant un rendez-vous des SDF la nuit, même si on n’en parle que rarement. Elle se rappelle l’atmosphère de cet endroit animée pendant la journée par les boutiques, les galeries de pop art, la culture de rue. Et en parallèle, les centaines de personnes qui dorment sur les trottoirs et sur les bancs, dans les recoins de la rue au sein de ce même quartier. Elle les y voyait le soir en rentrant du travail :
« J’ai été sidérée par l’habitude qu’ont les gens de se voiler la face ignorant ce qui les entoure », se souvient l’artiste bulgare.
Elle voudrait que son art reflète notamment ces sujets que nous tendons à éviter :
« L’art est un excellent vecteur de communication, de suggestions, de métaphores, de sujets de débats. C’est un moyen direct de changer notre perspective et nos idées reçues face à un phénomène ou une réalité. »
Elena a beaucoup hésité à présenter l’exposition à Sofia car à son avis les questions qu’elle soulève n’ont rien à voir avec la réalité et la perception des Bulgares. Elle indique qu’ici l’inégalité socio-économique n’est pas poussée à l’extrême à ce point. Bien entendu, elle fait aussi des parallèles entre la vie culturelle à Sofia et à Paris.
« Tout est beaucoup plus concentré à Sofia. De par ses courants et son expression, la culture y a un aspect collectif en dépit des différences bien-sûr. A Paris qui est une ville immense, il n’est pas facile de construire une communauté. »
La jeune artiste réside aujourd’hui en Bulgarie. Elle rêve d’une période plus normale pour pouvoir réaliser ses futurs projets. Elle aspire notamment à installer ses œuvres à l’extérieur, dans l’espace public. Avant la fin de l’année, elle entend aussi présenter TOWNSMEN là où le projet est né, à Paris.
Édition : Vessela Krasteva
Version française : Maria Stoéva
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