C’est une coutume païenne qui vient de la nuit des temps, mais qui est ressuscitée tous les 3 juin dans la région de la montagne Strandja /Sud-Est de la Bulgarie/. Et chaque année, des centaines de visiteurs se précipitent pour assister à la danse sur la braise, un rite d’origine païenne, qui autrefois était pratiqué dans quelques villages du côté bulgare et du côté grec du massif montagneux. Le rite appelé nestinarstvo, est inscrit depuis 2009 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Aujourd’hui, du côté bulgare, il est pratiqué dans les villages Kosti, Kondolovo, Gramatikovo, Slovarovo et Balgari. La coutume de la danse sur le feu est le point culminant du rituel Panagyr : festival en l’honneur des saints patrons Constantin et Hélène, qui se tient chaque année, les 3 et 4 juin. Cette coutume païenne a fusionné avec la fête chrétienne et fait partie des légendes sur ces deux saints orthodoxe. Les danseurs, appelés nestinari sont des initiés aux pouvoirs surnaturels, qui sont possédés par les esprits des Saints Constantin et Hélène. En dansant, ils récitent des prières pour implorer la santé et le pardon. Parfois, les nestinari prédisent l’avenir en exécutant la danse sur le feu.
Au début du 20e siècle, la danse sur la braise a été considérée comme une véritable hérésie, par le pouvoir laïque comme par l’église, pour être totalement interdite pendant les années du socialisme. Il faut attendre 1989 et les changements démocratiques pour que ce rituel soit réhabilité en Bulgarie, alors qu’en Grèce il a toujours été célébré.
La danse sur la braise est un des plus anciens rites des Balkans. Elle a survécu les poursuites des fanatiques chrétiens, musulmans et communistes. Son histoire, stigmatisée par l’Eglise orthodoxe et prohibée par le gouvernement communiste bulgare nous fait remonter à l’époque des Thraces. Les Thraces, qui célébraient le soleil, le reconnaissaient comme un de leurs dieux principaux et qui croyaient en l’immortalité.
„Je suis persuadé que le rituel des nestinari se transmet de père en fils ou de mère en fille. C’est dans le sang de la famille, mais il faut y être initié pour comprendre la signification exacte de chacun des gestes rituels“, nous dit Guéorgui Iliev, descendant de deux familles de danseurs, arrivés au village Kosti et Brodilovo en 1913. Chanteur folklorique, président du Club thrace « Saints Constantin et Hélène », il est aussi le directeur artistique d’une troupe de danseurs qui exécutent toujours la danse sur la braise…
„Ils sont nombreux à dire que le nestinarstvo se réduit à la capacité de danser pieds nus sur les charbons ardents, mais ce n’est pas vrai. Il existe bien d’autres éléments, méconnus, qui font partie du rituel. Les chroniqueurs disent que c’est au village Kosti que cette danse est née… Moi-même, j’ai senti cette vocation il y a 15 ans, lorsque j’ai perdu presqu’au même moment mes deux grands-pères. J’ai eu envie de contacter les organisateurs de la fête à Kosti où je suis allé. Et franchement, je ne me souviens même pas du moment du déclic et cette envie folle de marcher sur la braise. Mais je remercie tous ceux qui m’ont révélé des parties infimes de ce mystère… J’ai aussi appris beaucoup de choses de mes amis dans le Nord de la Grèce, descendants de familles de Kosti et Brodilovo. Au début, ils m’ont réservé un accueil plutôt froid, ils me jugeaient de haut en bas, restaient plutôt distants. Et pourtant, mon arrière-grand-mère a été danseuse sur la braise…Guéorgui Iliev se souvient de sa première visite chez les nestinari grecs :
„Je suis resté sans voix еt la première choses qui m’est passée par la tête c’était : « Mon Dieu, comment avons-nous laisser disparaître ce rituel en Bulgarie ? » Et c’est ainsi que j’ai décidé de dépoussiérer autant que possible cette coutume ancestrale. Avec ses pas et gestes, mais aussi avec les costumes traditionnels et les objets rituels…“
Guéorgui Iliev nous dit encore que la fête des danseurs sur la braise ce 3 juin sera en petit comité, à cause des consignes sanitaires et l’interdiction des rassemblements de personnes.
„Croyez-moi, on a vu affluer certaines années dans ce petit village jusqu’à 5-6000 personnes, ce qui a même posé problème. D’où l’idée de réduire le nombre des visiteurs. Ce que j’ai compris aussi au fil des années, c’est qu’il faut avoir une âme pure pour entrer dans la braise et en sortir indemne… et plus fort ! “
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