Les chrétiens orthodoxes s'apprêtent à vivre la semaine de la Passion, dernière semaine du jeûne pascal qui est aussi la dernière de la vie terrestre de Jésus-Christ, dédiée à ses souffrances sur la croix et sa mise au tombeau. Dans la tradition populaire, chaque jour de cette semaine est consacré à des actes bien précis: les trois premiers jours on nettoie la maison de fond en comble, un rite de purification au sens propre du terme. Le Jeudi Saint est un jour de trêve – on ne travaille plus, on colore et on décore les œufs de Pâques. Le Vendredi Saint, jour de la Crucifixion, les chrétiens orthodoxes se rendent à l’église. Le Samedi est le jour des défunts et les fidèles se recueillent sur la tombe de leur proches disparus, faisant offrande d'oeufs peints, de pain rituel et de blé bouilli. Le samedi est aussi le jour de la confection des traditionnelles brioches pascales, appelées "kozounak". Le soir, tout le monde assiste à la liturgie pascale et à minuit, au son des cloches, on se salue en échangeant les formules consacrées « Le Christ est ressuscité ! », « Pour sûr, il est ressuscité ! ».
Cette année, la Semaine sainte coïncide avec un moment de grande épreuve, la plus difficile que l’humanité ait eue à affronter depuis la Deuxième guerre mondiale. Alors que la ferveur anime nos prières, nous autres chrétiens sommes priés de rester à la maison pour éviter la propagation du redoutable coronavirus.
"Je pense que chacun de nous prend conscience de cette consigne et y obéit, même si c’est un sacrifice, nous confie une des écrivaines bulgares les plus lues, Théodora Dimova. – Et je crois que c’est une bonne chose, car tous ces gestes barrières nous permettent de sauver des vies, la nôtre, mais aussi celle de nos proches et des prêtres…
Quant aux chrétiens orthodoxes qui attendent la Résurrection du Christ et la Sainte Eucharistie, être privé de la possibilité de se recueillir à l’église est très lourd à porter :
"Et pourtant, nous devons respecter les consignes et ce n'est pas parce que nous adressons nos prières à Dieu depuis notre maison et pas à l’église que nos vœux sont moins sincères. C’est aussi pour moi une forme d’abstinence imposée dans laquelle nous nous sommes retrouvés, que nous soyons croyants ou pas, qui nous permet de reconsidérer beaucoup de choses dans notre vie. Nous avons dû nous habituer à de nouvelles règles du quotidien, mais nous avons aussi compris que nous sommes en mesure de nous contenter de peu… Et que la vie que nous avions avant était empreinte d’un consumérisme sauvage et inconscient, une apologie de l’inutilité…
Nous amorçons maintenant un retour à l’essentiel, aux petites choses de la vie, aux délicates attentions que nous pouvons partager…Nous avons jugé à leur juste valeur la vie en famille avec les enfants, les rencontres avec les amis, les contacts sociaux, que nous avions plus ou moins négligés…"
D’après Théodora Dimova, en ces journées d’épreuves nous redécouvrons ce qui compte vraiment dans la vie et ce dont nous avons besoin. Et il se trouve que nous avons tant de choses à faire à la maison, et si les plats que nous confectionnons ne sont pas très originaux, ils ne sont pas moins savoureux. Surtout si l’on observe le grand carême pascal…
"Nous vivons avec l’image de la Croix qui est le symbole de la mort et de la résurrection à la fois. Le jeûne permet à l’homme de se concentrer sur soi-même, d’écouter sa voix intérieure, d’accepter les privations. C’est une forme de résilience, mieux acceptée pour ceux qui croient en Dieu. L’inquiétude pour sa vie et son prochain, les craintes économiques, on y pense tout le temps, et c’est sûr que le retour à la normale ne sera pas facile, mais le bouleversement sera moindre, comparé aux remises en question spirituelles."
Et même si les écrivains semblent à première vue être coupés de la réalité, puisque vivant dans le confinement, on compte sur eux pour cristalliser la réalité, les pensées et les sentiments des gens. Avec aussi un regard vers le futur…Saurions-nous tirer les bons enseignements de l’épreuve que nous traversons ?
"Le stress et les angoisses passeront, la peur du virus sera surmontée, tôt ou tard. Ce n’est pas pour la première fois que l’humanité doit faire face à une épidémie. La vie continue, mais j’espère que nous aussi, nous changerons et que nous tirerons les enseignements qui s’imposent des épreuves que nous traversons en ce moment. Je prie pour qu’on s’en sorte et qu’on n’oublie pas ce que nous avons appris. Alors profitons de chaque occasion, chaque geste, chaque mot pour décupler notre foi, rendre encore plus ardentes nos prières, pour ressentir la jouissance pascale le jour de la Résurrection. Essayons d’apporter une once de sérénité à notre vie, une dose de consolation dont nous avons tellement besoin…C’est mon vœu le plus cher…
Photos: BGNES
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