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La libération apporte la mode européenne à ces dames de Tarnovo

Au grand dam de ces messieurs de Tarnovo, pour lesquels les toilettes à l’européenne sont un outrage aux bonnes mœurs…

La libération de la Bulgarie de la domination ottomane donne son feu vert à moult événements et phénomènes qui marqueront notre choix civilisationnel. L’adoption de la Constitution de Tarnovo incarne l’esprit des lois qui présideront à l’édification de l’Etat bulgare. Et attire un nombre sans cesse grandissant de ses citoyens qui applaudissent des deux mains les mœurs, la culture et le mode de vie européens.

Et une fois encore c’est l’ancienne capitale Tarnovo, qui est aux premières loges pour donner le “ton” en faveur de cette régénérescence tant attendue et si ardemment espérée.


« Lors de l’Assemblée constituante (1879) a été votée la Constitution et ont été jetés les fondements de la Bulgarie libre. Mieux encore, à cette époque les habitants de Tarnovo assistent au premier défilé de mode, sont témoins du premier duel d’amour, - revient dans le temps Todorka Nedeva du Musée d’Histoire régional de l’actuelle Veliko Tarnovo. – Une série d’événements culturels voient le jour, influencés par l’esprit européen – la première fanfare, le premier spectacle de théâtre en plein air, présenté par la troupe locale d’amateurs enthousiastes. »

En ces années de griserie et de liberté retrouvée les habitants de Tarnovo ouvrent grand leur esprit aux tendances de la mode venue d’Europe occidentale –on voit dans les rues de la ville des dames élégantes et des messieurs habillés à la française croiser des passants portant le costume traditionnel. Même certains d’entre eux à l’esprit conservateur se montrent intraitables au sujet des longues robes froufroutantes au décolleté plongeant, aux crinolines, ruchés, volants, plissés et autres fantaisies et bouillons de dentelle, ainsi qu’aux manches bouffantes. Sans parler des scandaleux chapeaux ornés de plumes d’autruche et des voilettes.

La presse locale ne se contente pas de tirer à boulets rouges sur les toilettes de ces dames, « qu’on ne saurait voir que dans les spectacles de variétés, elle s’en prend aussi au cinématographe, au gramophone, aux matches de football, aux romans „immoraux et dépravés“ en les qualifiant de symboles de la pseudo civilisation. » Et l’on va plus loin encore - « certaines intellectuelles, institutrices et  employées de la fonction publique s’étant émancipées économiquement se signalent par ce comportement dévergondé et vont jusqu’à réclamer le divorce d’avec leurs époux, les qualifiant d’esprits bornés et arriérés. » Particulièrement réceptives à ces éléments de la vie moderne, ces dernières sont devenues des égéries de la mode de l’époque. Les ateliers de mode essaiment dans l’ancienne capitale bulgare. Pourtant les dames aisées passent leurs commandes sur les catalogues qu’elles consultent dans les journaux de mode français. Elles font venir de la Mecque de la mode des robes de tous les jours, des toilettes de bal et autres occasions pour briller. 

« Les dames de Tarnovo sont vraiment très coquettes et très portées sur leur apparence, du moins autant que les messieurs, connus pour leur orgueil de descendants des boyards de l’époque médiévale et qui se piquent de s’habiller comme de vrais Européens – poursuit Todorka Nedeva.– Pour leur garde-robe ils font appel aux meilleurs tailleurs de la ville. Tarnovo est un pôle d’attraction pour les riches dandys de tout le nord de la Bulgarie, qui y venaient commander leurs habits. Les couturières n’étaient pas en reste non plus - elles étaient abonnées à des journaux de mode européens et grâce aux patrons elles reproduisaient à l’identique les splendides toilettes qu’on voyait sur leurs pages. Mais la palme de l’imagination, du goût et du chic revenait sans conteste aux tricoteuses et autres crocheteuses, qui tricotaient pulls, cardigans et gilets très en vogue à l’époque. Leurs clientes venaient de toutes les grandes villes, friandes de posséder dans leur garde-robe des pièces uniques et personnalisées.»

Et si grâce à la machine du temps on pouvait revenir aux premières décennies du 19e siècle et entrer dans une ancienne gravure, on verrait des dames en charmantes toilettes prendre la pose avec élégance et à leur côté des messieurs en redingote et haut de forme s’appuyer d’un air nonchalant sur leur badine. 

Version française Roumiana Markova

Photos: archives


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