Sa baguette a la croûte bien cuite et croustillante et une mie percée d’alvéoles petites, moyennes et grandes, selon les caprices du levain. Se perfectionner dans l’art du pain au levain, telle est la vocation de Stéphane Sarastanev, artisan-boulanger à Sofia. Depuis plusieurs années déjà il se forme aux différentes traditions, tout particulièrement le savoir-faire français dans le travail de la pâte à la main. En ce moment d’ailleurs, il expérimente sur le terrain de la baguette et toujours avec des farines propres qu’il sélectionne lui-même, moulues à la meule de pierre.
Tout a commencé un « bon matin au chômage », comme il dit, lorsqu’après plusieurs expériences dans le monde culinaire, il décide de se consacrer au métier d’artisan-boulanger. Voici son histoire :
« Alors que j’étais étudiant en anthropologie, je travaillais dans différents restaurants et c'est ainsi que j'ai commencé à m’intéresser au business de la restauration en général, en suivant toute la chaine de transformation, à partir de la matière première jusqu’au produit fini et sa présentation au client. Du pain, j’en faisais d’abord chez moi et j’aimais déjà expérimenter avec la pâte au levain. Ma première quiche était au jambon, poire et thym. Un jour j’ai rencontré Victoria Aleksiéva et nous avons ouvert une pâtisserie ensemble. Elle confectionnait les spécialités sucrées, moi les gourmandises salées. Mais un beau jour j’ai décidé que c’est du pain que je voulais faire et que je devais d’abord me former à la profession, pour percer tous les secrets de sa fabrication».
Les premières années il suit des apprentissages chez différents maitres-boulangers et s’initie à la culture de l’alimentation saine. Avec le temps, le pain au levain devient vraiment son truc et il a toute une philosophie de l’élevage du levain, dont il prend soin comme d’un être cher. Le secret du bon pain ? C’est trois choses, répond-il : « l’envie de le faire, la pratique et les lectures ». De la pratique il en a depuis ses 17 ans, lorsque sa mère part travailler en Allemagne et adolescent il doit se prendre en charge. Pour la première fois, il commence à cuisiner, d’abord par dépit, ensuite avec plaisir et envie.
« Du pain, on en fait avec de l’envie, de la farine, de l’eau et un coup de pouce du ciel, résume-t-il avec humour. Moi, je le fais selon la plus ancienne recette, avec du levain, et le pain est meilleur que celui avec la levure. Les avantages du levain est qu’il fait un pain qui s’assimile mieux par l’organisme ce qui est maintenant prouvé scientifiquement. De plus, son gout est meilleur car la fermentation de la pâte peut se prolonger. Plus elle est longue, meilleur est le goût du pain. Bien-sûr, il faut choisir des farines propres, sans additifs ».
Nous avons demandé à Stéphane quelles sont les caractéristiques de son pain et ses technologies de travail.
« J’applique la méthode française qui consiste à battre la pâte sur le plan de travail. Cela permet de développer les propriétés du gluten et la mie devient plus aérienne. Je suis adepte du célèbre boulanger français Yohan Ferrant qui vit à Barcelone. Il fait des choses extraordinaires avec du levain, mais en plus il a développé une méthode de préparation du pain au levain avec des nutritionnistes. Ce pain s’appelle le Do Nothing Bread et tout un chacun peut le faire, car il se fait tout seul - on ne doit pas pétrir la pâte, ni lui donner une forme. Tout le travail se fait par une longue fermentation du levain ».
En effet, Stéphane ne tient pas à garder ses secrets de fabrication pour lui, il les partage généreusement sur les réseaux sociaux et tient à transmettre son savoir–faire aux autres. Mais, en fait, que pense-t-il de la mode du "tout bio" et quelle est sa vision de l’alimentation saine ?
« En principe, je suis contre le confinement sur soi-même que l’on observe dans le milieu des producteurs et artisans éco-bio, car on finit par se retrouver dans un huis-clos où nous échangeons entre nous-mêmes nos produits et le monde extérieur n’y comprend pas grand-chose. Il existe une fausse idée diffusée, selon laquelle la nourriture saine doit être obligatoirement peu goûteuse ou sans goût du tout, le pain doit être dur et lourd, en forme de pavé et avec un arrière-gout d’engrais naturel ! C’est faux. Moi et mes collègues nous devons arrêter d’exagérer tout cela et nous mettre au travail, en nous plaignant un peu moins. Ce qui est important ce n’est pas de manger tous les jours des tomates ou des produits à l’étiquette bio-éco, mais d’avoir un menu riche et diversifié avec des aliments savoureux qui nous procurent du plaisir ».
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