Fin février, l’unique constructeur automobile bulgare "Litex Motors" a déposé officiellement le bilan. La compagnie avait la licence pour faire du montage-assemblage de pièces de la marque chinoise "Great Wall", dans l’usine du village Bahovitsa, près de Lovetch. Le propriétaire de cette société est la compagnie bulgare Litex, avec une participation au capital de la marque chinoise. Les voitures étaient destinées au marché intérieur et à l’exportation en Europe. Après 5 ans d’existence, la compagnie a hissé le drapeau blanc de la défaite.

Pourquoi en est-on arrivé là et pourquoi la 3^e tentative d’implanter en Bulgarie le secteur du montage-assemblage de voitures étrangères a échoué, après celles de Renault et de Rover. Evidemment, on ne compte pas avec l’industrie automobile pendant le socialisme, lorsque la production des Moskvitch soviétiques s’inscrivait dans l’idéologie internationaliste du COMECON. 

A notre époque, il s’agit d’une sorte d’alliance entre les Chinois qui ont la réputation de respecter les règles de l’économie du marché libre et de l’homme d’affaires bulgare controversé Gricha Ganchev - héros du capitalisme et de la transition de l’économie planifiée à l’économie libérale. Ganchev est d’ailleurs un de seuls vétérans de cette transition qui est reste encore vivant, étant donné son business lucratif et à la réputation assez contradictoire. On ne sait pas pourquoi les Chinois l’ont choisi justement lui pour partenaire en Bulgarie, en revanche on sait qu’il a reçu le soutien financier de la fameuse CorpBanque qui a fait faillite et que l’Etat a du sauver en renflouant ses caisses à hauteur de  2 milliards d’euros d’argent de contribuables. Rappelons que nous n’avons toujours rien appris sur les tenants et aboutissants de cette affaire et que le propriétaire majoritaire Tsvétan Vassilev reste toujours en Serbie, à l’abri de la justice bulgare.

Les Chinois de Great Wall semblent ne pas avoir bien évalué et calculé les risques de cette aventure bulgare. Faire venir de Chine des équipements et des pièces détachées pour les assembler en Bulgarie est une entreprise assez risquée, bien que les voitures vendues en Bulgarie avaient des prix très abordables, même pour les Bulgares. En parlant de l’Europe il serait opportun de mentionner que les ambitions chinoises ne laissaient qu’une petite place au marché restreint bulgare et comptaient avant tout sur le continent avec ses 500 millions de consommateurs. On raconte qu’ils ont réussi à vendre quelques 1000 autos en Europe, mais ce chiffre est loin des ambitions de conquête du marché européen.

Les autorités bulgares, avides d’investissements étrangers, ont soutenu cette compagnie privée de différentes manières, comme par exemple en achetant pour l’administration publique beaucoup de véhicules de la marque. En vain, car les Chinois sont partis malgré la cour qu’on leur a faite. En plus des avantages accordés par l’Etat, les Chinois comptaient beaucoup sur la main d’œuvre locale qualifiée et bon marché. Les exemples à ce titre sont nombreux – une dizaine des plus grandes compagnies mondiales de pièces détachées pour voitures fonctionnent sans accrocs en Bulgarie. Cela n’a certainement pas été ignoré par les Chinois quand ils ont faits des projets concernant la Bulgarie. Mais cela non plus n’pas eu un grand effet positif. Ce qui fait que malgré les rêves de l’ex-future Premier ministre Boyko Borissov de voir enfin une véritable usine automobile en Bulgarie les choses n’ont pas évolué. On pourrait même conclure que cette usine ne sera pas pour bientôt en raison du marché européen saturé et du minuscule marché intérieur bulgare où dominent les voitures d’occasion. Cela évidemment ne fait pas le bonheur des grands constructeurs, bien qu’ils n’aient pas à se plaindre de la vente de pièces détachées pour les vieilles caisses des Bulgares.

En fin de compte, toute cette histoire pourrait avoir un effet positif sur les futurs investisseurs étrangers en Bulgarie qui devraient redoubler d’efforts pour scruter à la loupe les conditions économiques en Bulgarie et ne pas délocaliser pour fabriquer des produits pour lesquels il ne trouveront pas de clients.