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Les annulations des marchés publics : politique ou vaudeville?

Photo: BGNES

En annulant du jour au lendemain plusieurs appels d’offre publics, le Premier ministre Boyko Borissov a rappelé au peuple que c’est lui qui fait la loi, prend les décision, emploie, licencie et qu’il donne des ordres de vive voix. 

Lundi, il a annoncé l'annulation de l’appel d’offres pour la construction de 60 km de l’autoroute Hemus, qui est d’un montant de 500 millions d’euros. Le marché avait déjà été rempoirté par des entreprises dont ont dit qu’elles sont liées aux fameux businessman et député MDL Delyan Péevski et à l’oligarque et directeur général  de Lukoil-Bulgaria Valentin Zlatev. Le choix de ces entreprises bulgares n’était pas encore entériné car deux compagnies étrangères – Tasyapi (turque) et Serenissima Construcionni (italienne) ont contesté les résultats du concours. Au début Borissov a justifié sa décision en disant qu’il n’y avait pas d’argent dans les caisses de l'Etat, pas non plus de financement des Fonds européens, parce que cette autoroute ne fait pas partie du réseau autoroutier paneuropéen. Ensuite, il a dit qu’il s’inquiétait du fait que les entreprises qui ont gagné le marché soient liées à Péevski et Zlatev et qu’il veut que toutes les procédures autour de l’appel d’offres soient parfaitement légales et transparentes. Finalement, nous avons appris que l’argent pour ce tronçon de l’autoroute a été trouvé et qu’un nouvel appel d’offres sera lancé. 

Et ce n’est pas tout. Quelques heures plus tard, Borissov a « torpillé » un autre appel d’offres public à la concurrence, cette fois-ci concernant l’élaboration des nouvelles cartes d’identité des Bulgares. C’est un marché estimé à plusieurs centaines de millions d’euros. Le Premier ministre a annoncé qu’il y avait des doutes au niveau de la transparence de la procédure et que les coûts estimés dans les offres étaient bien supérieurs à ceux du marché. Borissov a annulé le marché public et décidé que les nouvelles cartes d’identité seront imprimées par une entreprise publique, ce qui reviendra moins cher à l’État.

La semaine s’est terminée avec l’annonce de la suspension sur ordre du Premier ministre de plusieurs autres marchés publics, concernant les routes en zone forestière et des projets dans les villes de Bourgas et Varna.

On peut en effet se demander s’il est acceptable que le Premier ministre d’un pays démocratique, membre de l’UE prennent de telles décisions de manière unilatérale. Serait-il lui-même atteint du syndrome « Peevski » ? Rappelons les échauffourées lors de sa rencontre à Londres avec les Bulgares vivant au Royaume Uni. Un participant lui avait demandé si, lorsqu’il se regardait dans le miroir, il ne voyait pas Delian Péevski...

Simultanément, dans les médias turcs on a accusé Péevski d’être impliqué dans le trafic de cigarettes entre la Bulgarie et la Turquie. Et, coïncidence ou pas, Bruxelles a annoncé que la Roumanie peut sortir  du monitoring dans le cadre du Mécanisme de coopération et vérification. Cela signifie-t-il que la Bulgarie pourrait rester toute seule des 28, surveillée pour l’état de ses réformes judiciaires et pour sa réelle volonté de lutter contre la corruption dans les hautes sphères du pouvoir ? Certains journaux bulgares ont parlé d’une rumeur selon laquelle à Bruxelles, Boyko Borissov a été sermonné que si l’argent du contribuable continuait à être détourné pour aller dans les poches de certains cercles économiques proches du pouvoir, la Commission arrêtera les financements européens pour le pays. Et on sait que cette menace fait une peur bleue à Borissov.

Une hypothèse serait que le spectacle des annulation en chaîne des marchés publics cette semaine soit due à cette crainte, et que le Premier ministre ait décidé de faire quelques mises en scène de procédures d’appel d’offres en bonne et due forme. Il y a aussi une autre hypothèse : les choses bougent, il existe une pression pour que les deniers publics soient orientés vers d’autres milieux de la kleptocratie bulgare ou qu’il y ait un partage du gâteau.

Quel que soit la raison, apparemment c’est Borissov qui a toujours le dernier mot dans la redistribution de l’argent des contribuables.  Il me semble que ce spectacle comporte tous les éléments du vaudeville pour amuser la galerie.

Version française : Miladina Monova




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