Le nouveau rapport d‘étape de la Commission européenne sur les progrès de la Bulgarie sur l’acquis communautaire « Affaires intérieures et Justice » devrait être publié à la fin du mois. Souvent ces rapports rédigés au titre du Mécanisme de coopération et de vérification sont précédés de quelques opérations significatives et spectaculaires contre la criminalité, histoire de faire bouger le système judiciaire. Ainsi, à compter de ce 11 janvier, entre en vigueur l’arrêté du Conseil des ministres donnant le coup de grâce au poste de douane à Svilengrad, à la frontière avec la Turquie, dont les structures passent sous la compétence des douanes régionales de Bourgas et Plovdiv. La décision est tombée en décembre, après un coup de filet de la police qui a interpellé 30 douaniers accusés de pratiques corruptives systématiques.

L’effet de toutes ces actions énergiques et louables a malheureusement été terni par trois homicides qui sont venus nous rappeler les « bons vieux temps » du crime organisé. Ainsi à Varna a été assassiné Tinko Guéorguiev, homme d’affaires et propriétaire d’hôtels connu pour ses contentieux judiciaires avec un illustre criminel recherché par Interpol. A Sofia a été supprimé Vesselin Stoyménov, considéré comme l’héritier du chef de gang Guéorgui Iliev et liquidateur du groupe VIS-2. Et enfin, le fondateur de la maison de mode « Agressia », Alexandre Antov, a lui aussi trouvé la mort par balles il y a quelques jours dans un quartier de Sofia, alors qu’il promenait son chien. Antov était un homme respectueux qui n’avait pas versé dans les magouilles, connu pour ses œuvres de charité, et dont la mort reste une énigme…

Les remous dans le système judiciaire retiennent toujours l’attention, après la démission du ministre Christo Ivanov et les amendements controversés à la Constitution concernant l’organigramme du Conseil supérieur de la Magistrature. 145 juges de toute la Bulgarie ont signé la pétition initiée par le président de la Cour suprême de Cassation, Lozan Panov, qui a prononcé un vibrant plaidoyer en faveur de l’indépendance des magistrats dont nous vous proposons un extrait :

« Je me permettrais de citer les propos de Roosevelt qui disait que rien n’arrive par hasard en politique et que si quelque chose a eu lieu, c’est parce que quelqu’un y a pensé. Et si en un quart de siècle d’existence démocratique, l’Etat et la société ont été placés sous le contrôle oligarchique total, c’est que c’était prévu. Tout comme il était visiblement programmé que 2 millions de Bulgares, la fleur de la nation, quittent leur pays. Si ceux qui sont restés ne croient pas en la justice et l’impartialité du système judiciaire, s’ils ne croient pas que les services de l’ordre assurent leur sécurité et que les partis politiques les représentent, s’ils n’ont aucune confiance dans les institutions et les médias, c’est que c’était prévu. Si dans une société ouverte et libre, comme l’est la nôtre sur le papier, la quête de la vérité est considérée comme une atteinte à l’Etat, c’est que quelqu’un l’avait imaginé. Comme l’ont imaginé les forces politiques qui, deux jours avant le vote, ont décidé de faire capoter les changements constitutionnels, projetant la réforme judiciaire dans un champ de mines. »

Ces propos accablants appartiennent au président de l’instance chargée d’exercer le contrôle judiciaire suprême sur la bonne application des lois dans le pays. Et c’est sûr qu’ils pèseront  dans le ton et le contenu du nouveau rapport de la Commission européenne qui n’épargnera pas les critiques à la Bulgarie. Et tant que les critiques sont là, c’est que le Mécanisme de vérification sera automatiquement reconduit, ce qui ne sera une surprise pour personne… 

Version française: Sonia Vasséva