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Un quart de siècle de changements démocratiques…et ce n’est pas fini !

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Il y a 25 ans, le 10 novembre, le Plénum du Comité central du Parti Communiste bulgare libérait de ses fonctions le secrétaire général du parti Todor Jivkov. Une époque de l’histoire s’en va ce jour-là pour ouvrir la voie à la transition démocratique et à l’économie de marché. Quelles sont les raisons externes et internes de ces changements en Europe de l’Est il y a un quart de siècle ?

« Les changements sont liés aux relations entre les deux grands blocs et leurs leaders, respectivement les USA et l’U.R.S.S. Ils sont liés à la défaite de l’U.R.S.S. instaurant la période de la guerre froide. Pour les pays de l’Europe de l’Est ils sont provoqués par les crises qui arrivent dans le COMECOM (organisme de coopération économique crée à Moscou, en janvier 1949, et qui regroupait l’U.R.S.S., l’Albanie, la République démocratique allemande, la Bulgarie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie ainsi que la Mongolie, Cuba et le Viêt Nam, dissous en 1991) et le Pacte de Varsovie. Mais également entre le nouveau leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev et les anciens leaders de ces Etats. » - indique la maître de conférence Iliana Martchéva de l’Institut de recherche historique de l’Académie bulgare des Sciences. Selon elle, même des raisons politiques apparaissent en surface, les changements sont également déterminés par d’autres facteurs. Après la deuxième guerre mondiale commencent l’industrialisation et l’urbanisation, qui font naître la nouvelle classe moyenne qui s’installe dans les grandes villes. A titre de comparaison – en 1939, 80% de la population bulgare était rurale, en 1989 par 67% de la population habite déjà en ville.

« En 1944 il existe 8 universités avec 15 milles étudiants, contre 30 universités avec 133 milles étudiants en 1989 – note Iliana Martcheva – Une politique de progrès scientifique et technologique est appliquée ainsi qu’une intellectualisation du travail. Tout ceci se répercute sur la structure sociale en Bulgarie, mais également dans les autres pays de l’Europe de l’Est. La création de la nouvelle classe moyenne à cette époque est caractéristique de l’Europe de l’Ouest également. Mais tandis que là-bas la société est pluraliste, dans les pays de l’Europe de l’Est le dictat d’une seule idéologie s’impose avec acharnement. Habituellement il s’agit de partis communistes ou socialistes autour desquels gravitent des organisations associées. Mais dans l’ensemble le gouvernement est mono-partite. Pour cette raison à la fin des années 80 cette nouvelle classe moyenne qui comprend des fonctionnaires, des enseignants, des militaires, l’intelligentzia scientifique-technologique et artistique, aspire à une liberté individuelle plus grande, ce qu’elle ne trouve pas dans le système de l’époque. »

En clair, les voies du progrès personnel dans les années 80 se rétrécissent. C’est précisément pour cela que parmi l’intelligentzia surtout celle humanitaire naissent des aspirations à la liberté. Tout ceci se produit dans des conditions de forte urbanisation.

« Les 106 villes en 1946 passent à 220 en 1986. Si en 1946, 4 villes ont une population supérieure a 50 000 habitants, en 1985 elles sont déjà 27. La grande ville suppose la satisfaction des besoins grandissants et plus spécifiques de la population. Or, il apparaît à un moment donné que le système économique n’est plus en mesure de répondre aux attentes de la population. Il contrôle la consommation en gardant les prix stables et la dotation de la production. Ainsi en fin des années 80 persiste le modèle de l’« égalité dans la pauvreté ». Dans le même temps, en Occident la révolution scientifique et technologique porte ses fruits, la révolution informatique commence, la consommation augmente – tout ceci facilite la vie, le travail des gens. »

Les changements en Europe de l’Est se déroulent de manière différente – des révolutions de velours par endroits, mais un bain de sang en Roumanie. D’après Iliana Martchéva, on peut parler chez nous d’une espèce de dissidence retardée, c’est-à-dire plus lente à se produire que dans les autres pays. Mais l’intelligentzia s’organise et en 1988 revendique ses prétentions morales et politiques face aux communistes au pouvoir. Le changement prendra plutôt l’allure d’un « révolution de palais ».

« En fait ce sont les idées de Gorbatchëv qui sont mises en œuvre, celles de ses « camarades » du « PolitBureau » en la personne de Petar Mladenov et Andreï Loukanov, qui entraînent tout l’entourage de Todor Jivkov, dans l’organisation du plénum du 10 novembre, histoire de légitimer la passation du pouvoir. Il s’avère que le Parti Communiste en Bulgarie est assez fort et très influent à l’époque de la transition. Il gagne la majorité absolue lors des premières élections pour l’Assemblée Constituante en juin 1990. Et pourtant, la réalité est telle que ce parti doit conjuguer sa rhétorique de gauche avec les exigences de la transition de droite. Ce qui ralentit les processus tendant à surmonter le système du parti unique et l’établissement du pluralisme démocratique, ainsi que la liquidation de l’économie d’Etat et son remplacement par l’économie de marché. »

Le parti socialiste bulgare de Loukanov ordonne la mise en œuvre d’un  programme qui est réalité un « traitement de choc », imaginé par les économistes américains Richard Rahn et Donald Utt. Mais il craint  de l’appliquer par peur d’entrer en conflit avec son électorat et ses attentes. D’autre part, la dissidence bulgare qui prend la forme d’une opposition anticommuniste en la personne de l’UFD (Union des forces démocratiques) le 7 novembre 1989  n’est pas en mesure de provoquer une révolution comme celle en Hongrie en 1956, les événements en Pologne ou le Printemps de Prague de 1968. Pour cette raison elle s’accroche idéologiquement aux recettes de la transition néolibérale vers l’économie de marché sans tenir suffisamment compte des conditions en Bulgarie. Autre caractéristique de la transition postcommuniste bulgare, c’est le dossier de la restitution des biens et des terrains expropriés à l’époque du communisme dans leur périmètre réel. Une erreur qui a des retombées négatives sur l’ensemble de l’économie et l’agriculture bulgare, qui reste de nos jours encore fortement morcelée et démembrée, en proie au phénomène de la désindustrialisation /désertification/. C’est aussi une des raisons pour lesquelles la Bulgarie adhère aussi tard aux structures euro-atlantiques. En effet, elle devient membre de l’OTAN seulement en 2004 et intègre l’UE en 2007.

Qu’avons-nous gagné et qu’avons-nous perdu après le 10 novembre ?

« D’après moi, l’implantation dans la conscience sociale des idées de la démocratie, du pluralisme, du respect de la personnalité sans distinction de race, de sexe ou de statut n’ont produit que des avantages. En plus, nous nous sommes familiarisés avec la mobilité. Les idées vertes s’installent de plus en plus dans la société. Je vois que les jeunes sont très actifs à pratiquer le mode de vie sain. Nous devons tout cela à la période de transition. Quant à savoir ce que nous avons perdu ? En tant qu’historienne, je peux dire que nous avons perdu les valeurs de la communauté, l’attachement à la famille, la solidarité avec les voisins. Faisant une croix sur la société collectiviste, nous avons basculé dans l’individualisme. Et pourtant, l’histoire est là pour nous rappeler que l’individu a du mal à survivre seul, en dehors la communauté. »

Version française : Lubomira Ivanova




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