En ce 24 octobre, cet écrivain à l’âme de poète aurait célébré ses 85 ans. Les générations de Bulgares qui ont été ses contemporains ont eu l’immense bonheur et la grande chance de respirer le même air que lui. Ses livres, traduits même dans des langues les plus invraisemblables survolent la planète Terre comme des volées de moineaux, à l’exemple des personnages d’un de ses recueils de nouvelles intitulé « Nous, les moineaux » et peuplé de passereaux philosophes.
Ce vol est un vol long courrier, il prend son essor depuis le village natal de Raditchkov au nord-ouest de la Bulgarie, fait escale à Paris, pique en direction de Prague, atterrit en Sibérie via Pékin et Stokholm pour revenir se ressourcer dans la plaine de Sofia. Les critiques littéraires n’en finissent pas de décortiquer ses paraboles et ses allégories, d’explorer les codes de son imaginaire débordant, ils évoquent ses visions fantastiques, certains osent prononcer le mot magie. Raditchkov est non seulement un conteur merveilleux, il est aussi un interlocuteur exceptionnel. Ses interviews nous révèlent un homme au verbe magnétique, c’est pourquoi lorsque nous le lisons et nous l’écoutons, nous tombons sous l’emprise de son verbe imagé.
" Et cette solitude qui nous enferme comme une chape, d’où nous est-elle tombée dessus? – lui demandait-on.
Mais nous la portons en nous, répliquait-il. - Elle ne nous est pas tombée du ciel. Nous la portons en nous et il arrive que parfois elle gonfle d’elle même et c’est ainsi qu’elle se propage.
Y a-t-il un remède à la solitude ou bien faut-il le chercher auprès de nos proches, hommes et femmes auxquels nous avons tourné le dos?
Il y a un remède à la solitude, bien sûr. On ne doit pas rester seul. Il faut se tourner vers les hommes. Tous les hommes ne sont-ils pas frères ?
Ils sont frères devant le Seul et l’Unique. Ils sont frères de la Lumière, mais il semble que dans le combat pour le pain quotidien, le Bulgare s’est retrouvé seul et il n’est même pas seul avec lui-même, car s’il avait écouté la voix de son âme, nous aurions pu apprendre quelque chose.
Il n’est pas bon de se battre tout seul dans son coin, je tiens à vous dire. Si vous vous battez pour gagner un veau, qu’en faites-vous après l’avoir obtenu? Le mangerez-vous tout entier? Vous ne pouvez pas manger un veau entier, n’est-ce pas?"
La simplicité des exemples que prend Yordan Raditchkov n’est pas fortuite – l’écrivain veut se faire comprendre par le plus grand nombre de ses concitoyens, il veut que ses paroles atteignent le plus grand nombre de personnes qui ne peuvent voir la Lumière qu’il évoque. Car d’après lui, celui qui ne perçoit pas la force la Nature, ne peut pas apprécier son art :
« L’art – poursuit ce Bulgare illustre – est depuis toujours compétition et débat avec la Nature. Car la Nature provoque, aiguillonne l’imaginaire de l’homme. Il ne peut demeurer insensible devant aucune de ses oeuvres et ne résiste jamais à y mettre un peu du sien. Peupler un peu plus l’univers divin et l’enrichir. »
Ailleurs, l’écrivain confesse : « Moi, je préfère ses premières années, car au début l’homme est encore païen. Je vois comment travaillent les écrivains quand ils avancent en âge… Ils écrivent en bons chrétiens, ils font la différence entre le bien et le mal, entre la vérité et l’erreur, entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Alors que les jeunes années de l’homme c’est la barbarie totale. La faute, le péché en quelque sorte – rien d’autre. Le pardon, ce sont les vieillards qui l’ont inventé. Plus tard, quand l’homme ne peut plus commettre des péchés, il demande pardon, il supplie qu’on ait pitié de lui. »
" Les mots peuvent-ils guérir ? Parce que les mots sont capables de faire beaucoup de mal…
A l’esprit me vient un vers d’un poète africain : « avec des pierres et des troncs d’arbres ils peuvent me tuer, et moi avec des mots je ne peux même pas les blesser». Ceci m’avait fait une énorme impression à l’époque.
Comment venir au secours de son âme ? Quel remède trouver pour faire taire ce mal insoutenable?
En premier lieu il faut mettre le doigt là où ça fait mal, comprendre ce qui nous fait mal. Je l’avais déjà dit, nous sommes un peuple qui s’est sauvegardé davantage physiquement que moralement. Et c’est peut-être là que se trouve la clé des grandes vérités de notre vie.
Où trouver l’Esprit ? L’esprit bulgare ?
Ce mot revient très souvent dans les conversations, mais je crois qu’ils ne savent pas très bien de quoi ils parlent".
L’esprit de Yordan Raditchkov, l’écrivain bulgare, dont l’œuvre est synonyme de magie et de féerie, a pris la route de la Lumière, mais il vivra en nous aussi longtemps que nous le porterons dans notre cœur.
Version française : Roumiana Markova
Citations : « Paroles errantes », Maison d’édition « Argus » ; interview avec Yordan Raditchkov, Julia Bankova
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