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Un site de souvenirs révolutionne la toile

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Photo: socbg.com

Est-il possible de se souvenir du passé, sans une once de nostalgie, pour revivre les heures insouciantes de sa jeunesse et  tenter de reproduire trait pour trait, avec une fidélité sans faille, l’époque que nous avons vécue ? La réponse est évidemment négative, c’est impossible ! D’autant plus, lorsqu’il est question des générations de Bulgares qui ont grandi pendant la période du « socialisme  tardif », pleine de contradictions, de non-dits et d’erreurs évidentes. Comment expliquer alors l’ambition des deux jeunes Bulgares, qui sans trop réfléchir, se sont plongés  dans les eaux troubles de notre passé récent pour en sonder les profondeurs et mettre en lumière des perles du temps du socialisme. Le site « Souvenirs de la République Populaire » a créé le buzz sur les réseaux sociaux et ses auteurs, Milen Danov  et Stoyan Galabov, reconnaissent qu’ils ne s’attendaient pas à un tel succès.

Dès qu’il est question de notre passé socialiste, les passions se déchaînent. Il y a peu de pans de l’histoire de la Bulgarie qui déclenchent des querelles aussi féroces et des affirmations aussi catégoriques. Pourquoi ? « Parce que nous ne nous sommes pas encore suffisamment  penchés sur notre passé lié à cette période, contrairement aux autres anciens pays socialistes. » Milen Danov, l’un des auteurs du site, âgé de 30 ans, en est convaincu. Et d’ajouter qu’il s’efforce d’être le plus objectif et le plus impartial possible lorsqu’il publie des articles et des photos de l’époque. De façon générale cependant, c’est la bonne humeur et le clin d’œil aux « glorieuses » années du socialisme qui prévalent.

« On peut voir par exemple des photos d’école de l’époque où les enfants étaient membres des mouvements de jeunesse des pionniers et des komsomols. On peut y découvrir aussi des photos de congrès du parti, de villes sous leur apparence de l’époque, d’usines…en bref….des images d’une Bulgarie très différente de l’actuelle » explique Milen.

Comment ne pas esquisser un sourire attendri en regardant les images de notre littoral non bétonné des années 70 ? La dernière publication intitulée « le top 10 des séducteurs du socialisme » remplie de commentaires humoristiques, de liens et de comparaisons avec le macho bulgare actuel a fait le buzz cette semaine. «  Non, ce n’est pas un site nostalgique » dit Stoyan Galabov, âgé de 32 ans, en anticipant notre question.

« Nous avons été tentés à plusieurs reprises de qualifier nos lecteurs de nostalgiques. Mais la nostalgie comporte l’idée de souvenirs positifs. On peut éprouver de la nostalgie pour quelque chose qui a été agréable. Mais la plupart de nos lecteurs n’associe pas le socialisme à de bons souvenirs. C’est pour cela qu’on ne peut pas dire que notre site soit nostalgique. Il suscite des commentaires passionnés ; c’est plutôt un site de discussion, mais pas forcément pour échanger des souvenirs et des sentiments nostalgiques. »

Il y a peu de chance que les souvenirs de magasins vides, de la censure et des files d’attente devant les services consulaires du Ministère de l’intérieur pour obtenir des visas de « sortie » nous attendrissent, en effet. Cependant, une partie de la société bulgare jette un regard ému sur le temps du « socialisme tardif », quand on pouvait partir chaque été en vacances à la mer, quand on avait la sécurité de l’emploi, quand les soins médicaux étaient gratuits, quand l’enseignement prodigué dans les écoles de quartier et rurales était excellent. Pourquoi la nostalgie pour le socialisme l’emporte-t-elle, pas seulement chez les plus âgés, mais aussi parmi les jeunes, qui n’ont qu’entendu parler du socialisme sans pour autant l’avoir vécu ?

« Moi aussi, je me pose cette question – répond Milen Danev. Le problème, chez nous, c’est peut-être que notre transition a été différente de celle des autres anciens pays socialistes. Donc, les gens ont eu des attentes plus fortes, dans les années 90. Mais les choses ne se sont pas passées comme on l’espérait,  ce qui entraîne un repli sur le passé».

Le passé est un puzzle, une sorte de miroir brisé : en essayant d’en ramasser les morceaux, on se blesse inévitablement. Notre reflet dans ce miroir se modifie, et nous avec. C’est peut-être pour cette raison que les Bulgares éprouvent constamment le besoin d’un retour en arrière, pour assembler les pièces éparpillées de leur passé, pour sonder leur reflet dans l’espoir d’y trouver une explication à leur sombre présent.

Version française : Rita Morvan



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