Au regard de l’histoire, 20 ans sont une période de temps insignifiante, mais dans le cadre d’une vie humaine c’est une période très importante. Dans cette émission nous avons donc décidé d’évoquer les 20 dernières années de notre vie, marquées par les transformations radicales de la transition du communisme à la démocratie. Le dix novembre 1989 est la date où s’est mis à souffler le vent de la liberté. Tout a commencé par la destitution du leader communiste Todor Jivkov qui avait été à la tête du pays pendant plus de trois décennies. Avec l’aide du maître de conférence Evguénia Kalinova de la Faculté d’Histoire de l’Université de Sofia Saint Clément d’Ohrid nous remontons le temps.
« Il serait exagéré de parler sérieusement de l’existence d’une opposition avant le 10 novembre. Nous sommes malheureusement cet Etat de l’Europe de l’Est où le mouvement dissident s’est développé le plus tard. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde était d’accord avec le régime en place. Les premières manifestations d’une certaine opposition à celui-ci datent de la fin des années 1980, pour être plus précis de 1988. Le rôle des dissidents ne pourrait être contourné à ce moment, mais ces derniers n’ont pas des mérites particuliers pour la destitution de Todor Jivkov. Les processus évoluent cependant très vite pendant les jours qui suivent la date du dix novembre. Des structures d’opposions se créent, et parmi celles-ci. L’Union des forces démocratiques et d’autres organisations indépendantes. Elles deviennent un facteur décisif dans le développement politique du pays mais seulement après le dix novembre. »
Dans quelle mesure pourrait-on prétendre que les changements étaient dirigés d’en haut ?
« Cela ne fait aucun doute, mais il ne faut pas ignorer pour autant le mécontentement grandissant de la population pendant les années 80 y était aussi pour quelque chose, poursuit son commentaire le maître de conférence Kalinova, et pour cause la crise économique qui était en train de s’approfondir. Il y a eu aussi l’impact de l’exode massif des Bulgares d’origine turque pendant l’été 1989. Les gens commençaient à prendre conscience des méfaits du régime, mais se serait exagéré de prétendre que leur mécontentement était à l’origine de la chute de Todor Jivkov. Il a été renversé par ses collaborateurs les plus proches, et encore…Ce serait faire preuve de naïveté que de croire que tout ne s’est pas fait avec l’accord tacite de l’ex Union soviétique, car se sont les dirigeants du parti dans l’entourage de Jivkov, connus pour avoir des liens privilégiés avec l’Empire soviétique qui avaient initié son renversement. Ils ont ainsi anticipé d’une certaine manière les évènements sans se douter à ce moment que cela pourrait avoir pour effet le changement du système. Ils avaient sans doute agi avec l’idée de prendre la place de Todor Jivkov et d’initier des changements qui puissent garantir les positions du parti communiste et leur maintien au pouvoir. »
Vous êtes coauteur de plusieurs livres consacrés à la période de transition en Bulgarie. Devrait-on penser que la transition soit bel et bien terminée ?
« Cette question doit être posée différemment. D’une part il y l’aspect émotionnel et cela concerne la conscience publique de masse. Il devient de plus en plus évident aujourd’hui que les gens aimeraient que l’accomplissement de la transition leur apporte une amélioration de la qualité de la vie, d’où leur conviction que la transition n’est toujours pas terminée. Il y a donc tout d’abord un décalage entre les attentes et la réalité. »
« Le Bulgare est devenu plus pauvre, quand on parle de la majorité des gens dans le pays, alors qu’une petite partie d’entre eux s’est énormément enrichie, affirme Krassen Vassilev, 34 ans. Les changements ont permis certains progrès et ils ont des aspects positifs. Mais il y aussi ce sentiment que ce que nous vivons actuellement c’est une sorte de pseudo-démocratie. Une image déformée de ce qui existe dans le monde et non pas une réelle liberté.
La société est divisée en castes et chacun se débrouille comme il peut, comme s’il vivait dans une cage. »
« Moi, je pense qu’aujourd’hui nous vivons mieux. Le marché est devenu très varié, l’on ne peut pas s’acheter tout, mais les magasins sont pleins de marchandises et sur le plan matériel on a un choix plus grand. Sans oublier la liberté que nous avons de critiquer ceux qui nous gouvernent. »
« Avant, on n’avait pas le droit de transgresser un cadre et on s’était quelque part habitué à cela, se rappelle Tinka Bakalova, 79 ans. Maintenant j’ai le sentiment que c’est le chaos qui règne. La vie est devenue trop chère, les gens sont devenus irresponsables et les dirigeants ne semblent pas se soucier trop de la façon dont nous survivons. »
Nous avons encore parlé de la transition avec l’analyste Antoniy Galabov :
« Ce qui doit être souligné en premier, c’est le retard avec lequel les réformes ont été promues. Des groupes bien organisés de la société ont empêché à ce qu’elles soient bien réalisées. Chacun de nous a perdu en moyenne de 5 à 7 ans de sa vie consciente à cause de ce retard. Quoi qu’il en soit, le pays a finalement été placé sur les rails du développement européen et il ne nous reste aujourd’hui qu’à nous efforcer à compenser ce temps perdu. »
Qui a gagné et qui a perdu ?
« Le bilan est mitigé, difficile à faire. Sur le court terme, ce sont les élites sortantes qui ont gagné. Je veux dire par là que le processus a été long et douloureux, une succession de transformations et de mutations du système totalitaire, entièrement dominé par les élites de la nomenklatura idéologique et économique du Parti communiste. Et c’est sûr que sur le court terme, c’est eux précisément qui ont tiré le ticket gagnant. Eux et leurs descendants qui ont gouverné le pays à des périodes différentes. Cela leur a permis de se sentir intouchables, indétrônables. Pendant toutes ces 20 années, le clan qu’ils ont formé a évolué tant bien que mal sur l’échiquier politique bulgare. Mais sur un plan stratégique, c’est justement ces gens qui se croyaient tout permis qui ont finalement perdu la bataille, car il s’est avéré que les qualités qu’ils possédaient étaient totalement décalées par rapport aux impératifs de la nouvelle époque. Et pour pousser encore plus le raisonnement, plus nous nous éloignons de cette période, plus elle nous paraît barbare, anti-humaine et rétrograde…Bref, pour en revenir aux considérations stratégiques, tout le monde a perdu ! »
La politologue, Tatiana Bouroudjiéva a bien voulu dégager les principales caractéristiques des transformations intervenues en Bulgarie :
« Il y a deux choses à mettre en exergue. La première, c’est qu’il a fallu attendre 1992 pour que les mécanismes de l’économie de marché prennent racine en Bulgarie, bien plus tard que les autres pays ayant passé plus facilement à l’économie libérale. Et puis, dans un deuxième temps, emportés par notre élan d’adhérer à l’OTAN et à l’UE, nous avons tourné le dos aux problèmes réels de la société et aux critères de son efficacité, contrairement aux autres anciens pays socialistes. Et quand je dis efficacité, je pense à ces aspects économiques, sociaux et politiques qui sont le gage de la vraie démocratie et du niveau de vie auxquels nous tendons tous. En Bulgarie, ce processus n’a pas eu lieu ! »
Et pourtant, peut-on parler de certains acquis, de certains combats qui ont été gagnés ?
« Effectivement, il y a certaines acquisitions, mais malheureusement elle s’inscrivent dans ce que j’appellerais la « démocratie de façade ». Nous avons certes des institutions démocratiques, un système de partis, l’économie de marché, quelques formes de protection sociale et des solutions réelles pour assurer les intérêts de certains groupes sociaux. Mais tout cela a été obtenu sur le tas, on agit au cas par cas, sans que le potentiel de chaque citoyen de ce pays soit pris en compte. »
Jivko Todorov avait à peine 8 ans lorsque le virage radical a été amorcé. Aujourd’hui, il est député du parti de centre-droit GERB au pouvoir et est expert en politique européenne :
« C’est sûr qu’une grande partie des jeunes s’intéressent à notre passé. Et c’est normal, car il y a matière de comparer la vie d’il y a 20 ans et celle que nous vivons aujourd’hui. Les jeunes gens se posent toujours la question d’où ils viennent et où ils vont. Et si nous nous tournons en arrière, nous découvrons facilement les tares et les vices du régime de l’époque, une absence totale de démocratie et d’économie de marché. Les libertés que nous donnent notre appartenance à l’UE et la mondialisation étaient une utopie à cette époque… »
Quels sont les problèmes qui 20 ans plus tard n’ont toujours pas trouvé leur solution ?
« 20 ans plus tard, les jeunes ont encore des problèmes liés à leur enseignement, à leur réalisation professionnelle et à leur sécurité, dit encore Jivko Todorov. – La formation de qualité, les diplômes, c’est quelque chose de très important pour les jeunes, cela nous permet d’avoir un plan de carrière valorisant, de trouver un travail bien rémunéré. C’est ce qui manque encore en Bulgarie. Et puis, il y a aussi la sécurité, c’est grave quand on voit les cas de violences à l’école ou dans les discothèques…Des mesures s’imposent, c’est sûr… »
Et que vous apporte l’appartenance à l’Union européenne ?
« L’Union européenne donne des possibilités énormes, telles que nos parents n’en ont jamais eues. Voyez la libre circulation des personnes, la mobilité des étudiants, leur possibilité de s’inscrire dans différents programmes de formation ou d’échange au sein de l’Union. Nous avons la possibilité d’être en contact avec les jeunes des autres pays de l’Europe, nous devenons plus ouverts, avec une largeur de vue inimaginable. Nous pouvons étudier et travailler dans les autres pays européens. Je pense même que si l’Europe crée aujourd’hui des possibilités de réalisation, elles sont surtout orientées vers les jeunes ! »
photos: jl. Kapital archives
Version française: Kréména Sirakova
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