Nous assistons depuis un mois à une crise bancaire en Bulgarie, déclenchée par la panique autour d’une banque à la réputation sulfureuse, la Banque corporative qui a été fermée avant d’être placée sous un régime de surveillance par la Banque nationale de Bulgarie, en attendant les conclusions de l’audit diligenté immédiatement pour évaluer l’étendue des dégâts. Pour information, la Banque corporative commerciale est la 4e banque du pays, propriété officielle de sociétés bulgares dont l’actionnaire majoritaire est une seule et même personne physique bulgare.
Rien ne se serait produit si la rumeur n’avait pas commencé à enfler depuis quelques années autour de cette institution financière et de ses appétits financiers mais aussi politiques… A cette occasion le « Financial Times » a écrit que l’effondrement de la Banque corporative a placé le curseur sur les rapports malsains entre le business et la classe politique en Bulgarie.
Et comme si la fermeture de la Banque corporative ne suffisait pas, la panique s’est également étendue à la 3e banque 100% bulgare, la First investment bank /Fibank/ dont les clients se sont rués aux guichets, ce qui a de nouveau fait intervenir la Banque centrale et le ministère des Finances qui ont promis l’aval de Bruxelles pour un soutien financier quasi-illimité.
Toujours est-il que la crise financière a été maîtrisée, le fonctionnement des banques est redevenu normal avant que la bombe n’explose vendredi dernier lorsque l’audit indépendant a rendu son verdict sur la qualité des actifs de la Banque corporative. Les révélations faites par le gouverneur de la Banque centrale, Ivan Iskrov ont été fracassantes ! Plus de 70% des crédits accordés à des entreprises proches de l’actionnaire principal pour un montant de 2,7 milliards d’euros n’ont aucune garantie fiable et sont pour le moins douteux, voire frauduleux. Bien plus, les enquêteurs sont allés encore plus loin affirmant que quelques heures avant la fermeture de la Banque corporative, plus de 100 millions d’euros auraient été décaissés en espèces sonnantes et trébuchantes de la banque pour le compte de l’actionnaire principal, soit une demie tonne de billets de banque qui ont pris la poudre d’escampette ! Le casse du siècle, s’est indignée la presse bulgare, même si par la suite cette hypothèse hallucinante a été invalidée…
La réaction des pouvoirs publics en Bulgarie n’a pas tardé, la Banque corporative a été mise en faillite et tous ses actifs et liquidités sont transférés dans une petite banque qu’elle avait acquise il y a quelque temps et qui n’est autre que le « Crédit agricole Bulgarie », qui sera nationalisé et soutenu financièrement pour garantir les dépôts des Bulgares.
Dans ce contexte fortement perturbé, force est de reconnaître que les analystes comme les experts financiers pointent du doigt la Banque centrale qui des années durant aurait, semble-t-il, fermé les yeux sur ce qui se passait dans une des banques commerciales dont elle avait la tutelle et qu’elle devait contrôler scrupuleusement, comme toutes les autres banques d’ailleurs… Ces accusations sont d’ailleurs confortées par le fait que le superviseur en chef de la Banque centrale a été mis en examen la veille du déclenchement de la panique bancaire et que la Banque nationale a elle aussi reconnu ses lacunes, qu’elle a expliquées par des carences législatives qui imposent une intervention rapide au niveau du parlement.
Pour ce qui est de l’aide promise pour sortir de cette situation dramatique, d’aucuns avancent le chiffre d’un milliard d’euros que les autorités doivent trouver quitte à enfreindre la fameuse règle d’or budgétaire, chère à l’UE, que le pays était particulièrement fier de respecter…En clair, la Bulgarie encourt les sanctions de Bruxelles.
Quant à l’actionnaire principal de la Banque corporative, Tsvétan Vassilev, recherché en Bulgarie, il se trouve depuis plus d’un mois à Vienne d’où il accorde des interviews pour nous assurer qu’il est blanc comme neige et qu’il fera tout pour préserver les intérêts des clients qui lui ont fait confiance…
Pour résumer, nous pouvons dire que les secousses dans le système bancaire et financier de la Bulgarie ont atteint des proportions telles que le président de la République Rossen Plévnéliev s’est de nouveau vu dans l’obligation de convoquer en consultations extraordinaires les partis politiques représentés au parlement, le pouvoir exécutif et les responsables de la Banque centrale. Car le temps presse et il est clair que les mesures de stabilisation et d’assainissement du secteur bancaire ne font pas l’unanimité. Toujours est-il que d’après le plan de sauvetage, tout doit rentrer dans l’ordre d’ici le 21 juillet, lorsque la nouvelle banque nationalisée /Crédit Agricole Bulgarie/devra ouvrir ses portes aux clients, sur les ruines de la Banque corporative dévastée…
Version française: Sonia Vasséva
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